En raison d’une demande accrue de soins, le personnel de santé est confronté à une charge de travail élevée, des horaires irréguliers et des situations stressantes. Cela conduit souvent à l'épuisement professionnel (burnout) et à des taux élevés de rotation du personnel, ce qui compromet la qualité des soins et la satisfaction au travail. Quelles stratégies mettre en place pour préserver la santé mentale du personnel médical ? Éclairages.
La santé : un secteur en tension
Selon l’OMS, l’épuisement professionnel est « un syndrome résultant d’un stress constant sur le lieu de travail qui n’a pas été géré avec succès ». Plusieurs facteurs en sont à l’origine :
Pénurie de personnel : Dans le secteur médical tous les postes doivent être occupés pour prendre soin des patients. Le manque de personnel entraîne des heures supplémentaires et une surcharge de travail pour gérer un nombre de patients plus élevé ; la fatigue physique et mentale augmente aboutissant à un surmenage qui lui-même occasionne une baisse de productivité et des erreurs médicales, des arrêts de travail, des départs.
Innovation : Outre l’apparition constante de nouveaux médicaments et traitements, le secteur médical s'appuie de plus en plus sur la technologie pour moderniser ses équipements et techniques chirurgicales. En plus de devoir se former et s’adapter à ces innovations, le personnel doit également assurer un lien plus transparent et connecté avec les patients (répondre aux demandes, tout documenter dans les dossiers médicaux). Une source de stress supplémentaire.
Exposition aux risques : Le personnel est continuellement exposé à des risques sanitaires (infections) au contact des patients malades dans des établissements sur-fréquentés où les équipements de protection, les installations sûres et les mesures de prévention sont parfois insuffisants. Des risques psychiques sont également présents en raison de la charge émotionnelle due au métier, humain. Le décès d’un patient ou la violence verbale peuvent être stressants et traumatisants. Ces risques ont assurément une influence sur le bien-être du personnel médical.
Épuisement professionnel, un fléau dans le domaine de la santé
Des chiffres alarmants
Selon des sondages, le service de soins infirmiers connaît le pourcentage d'épuisement professionnel le plus élevé, 70 %. Les infirmières ont souvent l’impression qu’elles peuvent faire beaucoup plus que ce qui leur est permis de faire ou qu’en raison du trop grand nombre de patients assignés, elles sont incapables de prodiguer les soins appropriés. Or, il a été prouvé qu’en cas de surcharge de travail, les professionnels de santé couraient trois fois plus de risques de souffrir d’épuisement professionnel et auraient deux fois plus l’intention de quitter leur emploi (AMA). Des enquêtes indiquent qu'environ un tiers des infirmières (32%) envisagent de quitter la profession, tandis que plus de la moitié des médecins et autres professionnels de santé déclarent se sentir épuisés, stressés et prêts également à quitter leur emploi. Les principaux facteurs poussant à partir sont le manque de personnel, la recherche d'un salaire plus élevé, la charge mentale et émotionnelle du travail, l’insécurité, le peu de flexibilité (équilibre vie professionnelle/vie privée, horaires de travail) et l'environnement (le fait de ne pas se sentir écouté, soutenu, valorisé).
Un lien de cause à effet
L'épuisement professionnel des employés en santé est lié à la fois aux carences de personnel et aux taux de turnover élevés. Il est causé par le premier tout en ayant un effet cumulatif sur le second. En outre, l’épuisement professionnel affecte également les patients car le personnel médical ne peut pas faire face à toute la fatigue émotionnelle, mentale et physique due au travail. Les relations avec les patients et les soins qu’il leur sont prodigués s’en trouvent altérés.
Quelques conseils pour éviter l’épuisement professionnel du personnel de santé
En les écoutant activement, en les considérant suffisamment et en soutenant également leur apprentissage et évolution de carrière, les responsables RH peuvent éviter l'épuisement professionnel des professionnels de santé.
Accorder une reconnaissance et des récompenses (éloges, primes, promotions) aux employés souvent surimpliqués dans leur travail.
Investir dans des formations et le développement professionnel pour que le personnel dispose des connaissances les plus récentes sur les tendances du secteur, les meilleures pratiques, les progrès médicaux et technologiques. Des outils de mesure des motivations, de la satisfaction motivationnelle et des intérêts professionnels permettent de personnaliser des programmes de développement de carrière et de formations pour valoriser le personnel et lui permettre d’évoluer.
Réduire la charge de travail : Déployer des analyses avancées pour anticiper plus rapidement et précisément la demande de soins et aligner en temps réel les ressources nécessaires ; repenser les rôles et processus en fonction des apports de la nouvelle technologie (numérisation, automatisation de certaines tâches administratives) pour alléger les heures de travail ; explorer de nouvelles façons de recruter de manière plus fiable et efficace. Les tests d’évaluation psychométriques (inventaires de personnalité, tests d’aptitudes intellectuelles) peuvent aider en cela.
« Chaque membre de l'équipe de soins en santé est vraiment essentiel aux résultats des patients et à leurs expériences de soins », rappelle le Dr Lisa Rotenstein, professeure adjointe de médecine à la Harvard Medical School. « Il est vraiment important de nous en rappeler alors que nous essayons d'optimiser à la fois les résultats pour les patients et les expériences de notre personnel ». L’épuisement du personnel de santé est un problème majeur auquel sont confrontés les établissements de santé et les professionnels RH œuvrant sur ce secteur. Il faut impérativement qu’ils parviennent à l’endiguer pour préserver la santé mentale de leurs employés et assurer une qualité de soins exemplaire.
Avant la crise sanitaire, la santé mentale des salariés était un sujet peu abordé, contrairement à la santé physique. Avec l'apparition de nouveaux modes de travail, dont le télétravail, la question des risques psychosociaux (RPS) a véritablement émergé, comme une prise de conscience, et avec moins de tabous. L'attention s'est resserrée sur les collaborateurs éloignés de leur environnement de travail habituel. Aujourd'hui, il devient urgent d'agir, puisque, selon une enquête récente, un salarié sur deux se sent épuisé professionnellement[1] ! Quelle stratégie RH mettre en œuvre pour préserver la santé mentale et prévenir les risques psychiques ? De quels moyens dispose l'entreprise ? Quelles sont ses obligations vis-à-vis de ses salariés ? Réponses.
Qu'entend-t-on par santé mentale ?
L’OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Ainsi, un salarié peut souffrir d'un trouble mental lié au travail, sans que cela soit nécessairement une maladie mentale. De fait, la « bonne » santé mentale est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». De plus, l'état de santé mentale est susceptible de se modifier et d'être influencé à la fois par des éléments extérieurs (crise économique, lieu de vie), et/ou plus personnels (relations familiales, accidents de la vie).
La santé mentale au travail : une préoccupation croissante
Sujet souvent tabou par le passé, la santé mentale au travail fait aujourd'hui partie intégrante des priorités à traiter par les DRH. La crise sanitaire étant passée par là, et avec elle, la mise en place du télétravail, les risques liés au 100% télétravail ont été clairement identifiés : isolement, état dépressif, démotivation, burn out (épuisement), bore out (ennui), brown out (perte de sens du travail) ou encore démission silencieuse.
Les phénomènes de mauvaise santé mentale au travail prennent de l'ampleur. Une étude d'Opinion Way de juin 2022[2] révèle que 34% des salariés étaient en burn out, un chiffre qui a doublé en un an. De plus, selon le baromètre « santé des salariés et qualité de vie au travail », réalisé par Ipsos au 1er trimestre 2023[3], 2/3 des salariés interrogés sont ou ont été concernés par un trouble de santé mentale. D'où l'importance de prévenir les risques liés au travail.
Comment le travail affecte-t-il la santé mentale et réciproquement ?
Le lien entre santé mentale et travail n'est plus à prouver, qu'il soit positif ou négatif. Dans le premier cas, le salarié heureux est motivé et performant. Dans le second, une charge de travail excessive, des conditions de travail difficiles peuvent avoir un impact particulièrement négatif sur la santé mentale. De même, un salarié en mauvaise santé s'avère souvent moins productif. Deux notions en particulier font aujourd'hui communément référence pour illustrer les RPS :
Le burn-out : c'est un épuisement professionnel, physique ou mental, lié à une surcharge de travail, une mauvaise organisation du travail, des conditions de travail difficiles, des postes à pénibilité (bruit, froid...), un management inadéquat ou sans objectif, un manque d'autonomie, des délais trop courts. Physiquement, le travail peut engendrer une usure professionnelle et des TMS (troubles musculo-squelettiques) peuvent apparaître lorsqu'un travailleur exerce des gestes répétés. Le risque étant de déclarer une maladie professionnelle.
Le bore out : il signifie littéralement l'ennui. Il survient lorsqu'une personne est sous-employée par rapport à ses capacités, à ses compétences, ou si elle effectue des tâches répétitives et peu stimulantes intellectuellement. Cela impacte progressivement sa motivation et son engagement au travail.
La souffrance au travail, qu'elle soit mentale ou physique, est de plus en plus prise en compte par les employeurs. Pour l'éviter, il est primordial de repérer les facteurs de risques psychosociaux et les signaux d'un mal-être (physique ou mental) sur le lieu de travail. Ils sont nombreux : harcèlement moral ou sexuel, dépression, démotivation, qualité du travail en baisse, chute de la productivité, stress professionnel, épuisement, climat social délétère, relations de travail détériorées, violence au travail...
D'un point de vue RH, cela se traduit, entre autres, par des conflits, un taux d'absentéisme en hausse, avec une recrudescence des arrêts de travail, des accidents du travail et maladies professionnelles, et, dans le pire des cas, le suicide au travail.
Les nouvelles formes de travail
Les nouvelles formes de travail (hybride, full remote ou 100% télétravail) sont susceptibles d'avoir une incidence sur la santé mentale au travail. La crise sanitaire a montré que nombreux salariés en télétravail avaient des journées de travail à rallonge, en l'absence de frontière stricte entre vie professionnelle et vie personnelle. Certes, la productivité a augmenté pour certains mais la charge de travail aussi, et ce, au détriment de la santé mentale des salariés. Ainsi, en matière de prévention, et avec le recul, il est recommandé de limiter le télétravail à deux ou trois jours par semaine pour éviter l'isolement et préserver la santé des travailleurs.
Quelles obligations légales pour l’employeur ?
Protéger la santé physique et mentale
Le Code du travail impose à l'employeur l'obligation de veiller à la santé des salariés. À cet effet, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cela implique « des actions de prévention des risques professionnels, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ».
En matière de santé mentale ou psychique, l’employeur doit éviter les risques psychosociaux en s'appuyant sur les principes généraux de prévention, tels que évaluer les risques, les éviter, adapter le travail aux collaborateurs (méthodes, rythme, diversification etc.) (article L. 4121-2).
Les accords nationaux interprofessionnels
Pour prévenir les risques psychosociaux, plusieurs accords nationaux interprofessionnels (ANI) ont été signés par les organisations patronales et syndicales :
• contre le stress au travail, le 2 juillet 2008,
• contre le harcèlement et la violence au travail, le 26 mars 2010,
• sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle, le 19 juin 2013.
Ces ANI constituent des repères pour les employeurs et les aident à identifier et à prévenir le stress, le harcèlement sexuel ou moral, ou encore la violence. La consultation des salariés, du CSE et/ou des représentants du personnel facilite la mise en œuvre des mesures nécessaires, et rend la prévention plus efficace avec des actions collectives.
Quelle stratégie RH déployer pour préserver la santé mentale ?
Des actions de prévention sont possibles à différents niveaux :
Améliorer les conditions de travail des salariés implique un travail sur la prévention globale. En effet, s'il est possible de garantir la sécurité au travail, notamment via l'ergonomie du poste de travail, il est tout aussi primordial de veiller à la santé psychologique de ses collaborateurs. Pour ce faire, la stratégie RH peut orienter ses actions sur le bien-être au travail : management bienveillant, formation, évolution professionnelle possible, reconnaissance, dialogue social, team-building etc.
Mesurer périodiquement l'engagement des collaborateurs avec un baromètre comme l'eNPS (Employee Net Promoter Score). Pour ce faire, les salariés doivent répondre à une seule question : "Quelle est la probabilité que vous recommandiez à un ami de postuler pour travailler dans l’entreprise ? Chaque collaborateur note sa réponse sur une échelle de 0 (pas du tout probable) à 10 (très probable). Au même titre que certains tests psychotechniques, cela donne des indications sur la motivation d'un salarié.
Préserver la conciliation vie professionnelle et vie personnelle permet d'agir sur la qualité de vie globale des collaborateurs.
Former les collaborateurs à la prévention des risques psychosociaux, en particulier les managers, permet de travailler à un mieux-être au travail.
Entretenir le dialogue avec les partenaires sociaux, notamment lors des réunions du CSE, qui intègre les missions de l'ex-CHSCT : la prévention et la protection de la santé physique et mentale, la sécurité des travailleurs, ainsi que l'amélioration des conditions de travail, entre autres.
Proposer des temps de dialogue, des ateliers de gestion du stress, ainsi qu'un soutien social : une cellule d'accompagnement psychologique, via notamment une ligne d'écoute, une aide sociale etc.
La formation des managers
Le management de proximité tient un rôle de première importance pour percevoir le ressenti des salariés et détecter les signaux de détresse psychologique : une porte de bureau qui reste fermée trop longtemps, un comportement changeant, un arrêt de travail prolongé... Un manager bienveillant, ayant bénéficié d'une formation à la prévention, est capable en général de réduire le risque de stress et le risque psychosocial chez ses co-équipiers. Il est en mesure d'agir à la fois sur la prévention des risques et l'amélioration des conditions de travail, par exemple en mettant l'accent sur la reconnaissance des compétences et l'autonomie des collaborateurs.
Quels sont les moyens à disposition des employeurs pour préserver la santé mentale au travail ?
Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)
Le DUERP comprend le résultat de l'évaluation des risques que doit mener l'employeur. Cet outil recense à la fois les risques psychosociaux et les risques physiques, en fonction de leur niveau de gravité, et les mesures de prévention mises en place pour préserver la santé et la sécurité des salariés. Sa mise à jour doit être effectuée une fois par an (article R4121-2 du Code du travail).
Les différents acteurs de la prévention
Les services de prévention et de santé au travail (SPST), auxquels doit adhérer l'employeur, conseillent tous les acteurs de l'entreprise.
La médecine du travail participe à la démarche de prévention des risques psychosociaux. Le médecin du travail tient un rôle de conseiller et peut aussi alerter l'employeur s'il rencontre une situation comportant des risques pour la santé. Un collaborateur en proie à des troubles mentaux au travail peut également demander de l'aide au médecin du travail.
Le psychologue du travail : généralement, on trouve ce type de poste plutôt dans les grandes entreprises. En cas de problèmes de santé mentale identifiés, il est possible de renvoyer un collaborateur vers un psychologue, ou de l'inciter à consulter un psychiatre, en externe.
L'inspection du travail, la Carsat, les intervenants en prévention des risques liés au travail, l'INRS, l'ANACT... proposent leur expertise et disposent de nombreuses ressources.
Le plan d'actions de prévention
En concertation avec le CSE, le DRH doit mettre en œuvre un plan d'actions dédié à la prévention des risques psychosociaux, afin de préserver la santé physique et mentale des salariés. La prévention commence avec l'évaluation des risques liés au travail.
La démarche d'évaluation des risques professionnels, dont les risques psychosociaux, suit une méthodologie structurée en plusieurs étapes :
Identification des risques et des facteurs psychosociaux à risques
Analyse des causes professionnelles, classement des risques
Proposition d'actions de prévention pour réduire ou supprimer tout risque et améliorer la QVT : actions à court, moyen et long terme. Des indicateurs de suivi sont mis en place et un référent désigné, chargé de l'évaluation et de la mise à jour.
Pour être efficace, la démarche est collective, avec un échantillon représentatif des salariés. La phase d'observation doit être accompagnée d'interviews sur le ressenti des collaborateurs.
Les tests psychotechniques et inventaires de personnalité
Ces outils d'évaluation font partie également des solutions à disposition des professionnels des ressources humaines :
Les inventaires de personnalité (SOSIE, PfPI) permettent de mieux évaluer les caractéristiques personnelles des futurs collaborateurs ; ils peuvent être associés avec l’inventaire des tendances dysfonctionnelles TD-12, qui évalue les risques de comportements inadaptés, contraires à l’éthique ou contre-productifs au travail.
Le questionnaire 360° TalentZoom vise à recueillir l’avis des collaborateurs de l’entreprise sur les compétences managériales de leur N+1.
MyMotivation est un questionnaire des motivations et de la satisfaction motivationnelle des salariés et/ou de l'équipe. Il contribue à prévenir les risques de burn out, démotivation, démission, etc.
Enseignante-chercheuse en management, diplômée en psychologie et en science politique, Valérie Petit est spécialiste du leadership et l’auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet parus chez Pearson. Elle intervient régulièrement auprès des entreprises et de leurs dirigeant·e·s sur le thème du leadership toxique.
L’expression leader toxique est à la mode, mais qu’entendons-nous exactement par-là ? Qui sont ces leaders ? Quels risques représentent-ils·elles pour leur entourage professionnel, leur(s) entreprise(s) et pour eux·elles-mêmes et surtout, comment s’en prémunir ? Dans cet article, Valérie Petit précise le paysage et les visages du leadership toxique et pose une question dérangeante : la toxicité du leadership n’est-elle pas aussi une intoxication des leaders par le pouvoir ?
Une histoire de poison
Relation toxique, management toxique … « toxique » est devenu le nouvel adjectif que l’on appose, parfois abusivement, pour qualifier une souffrance qu’éprouve l’individu·e dans sa relation à l’autre, au couple, au·à la manager·euse ou au travail. Mais de quoi parlons-nous au juste ? L’étymologie du terme toxique nous éclaire sur ce qui se joue derrière cette nouvelle labélisation : Toxicon en grec désigne une flèche enduite d’un poison mortel, une invention barbare appréciée notamment des celtes pour occire les romain·e·s ! Le terme toxique surgit ainsi pour dire notre sentiment d’être la cible d’attaques comme autant de flèches décochées, de subir une relation qui nous empoisonne littéralement ou encore l’angoisse de voir mourir une part de nous-même. Souvent nous ne savons pas nommer le nom de ce poison lent et insidieux que l’on nous inocule, c’est pourquoi nous le rangeons rapidement sous le terme générique qui désigne ses effets : « toxique ». C’est ici que sont utiles les psychologues et les spécialistes du management : leurs travaux nous aident à nommer le poison pour ensuite, faire le choix du meilleur antidote !
Mais commençons par définir ce que nous entendons par leader toxique.
Le·La leader est l’individu qui exerce sur les autres une grande influence. Souvent, nous associons le·la leader au·à la dirigeant·e de l’entreprise, mais si le·la second·e dispose effectivement d’une grande influence du fait de sa position et de son pouvoir hiérarchique, n’importe quel individu doué peut exercer de l’influence sur autrui dans une organisation. Le point important à retenir ici est que les leaders disposent de facto d’un grand pouvoir, une particularité qui implique deux conséquences : premièrement, leurs décisions et leurs comportements ont un fort impact sur leur entourage professionnel et sur la performance de l’entreprise ; deuxièmement, ils·elles ont une proximité et une relation particulière avec le pouvoir, qui n’est pas sans risque pour leur propre psyché. Dans ces conditions particulières qui sont celles du leadership, la toxicité peut venir de deux endroits : la personnalité du·de la leader et la relation de celui·celle-ci au pouvoir. Explorons ces deux origines…
Personnalités difficiles et leadership toxique
Quand nous nous sentons pris·ses dans une relation toxique avec un·e leader, c’est le plus souvent parce que nous avons affaire à une personnalité difficile ou dangereuse. Et le fait qu’elle détienne du pouvoir renforce sa dangerosité en même temps que notre angoisse.
Depuis une dizaine d’années, ces personnalités difficiles font l’objet de classifications, de mesures psychométriques et d’études empiriques de plus en plus rigoureuses. Celles-ci, à l’instar du TD-12 s’appuient sur la classification des troubles de la personnalité du DSM (Manuel diagnostique des troubles mentaux) qui identifie 10 troubles de la personnalité auxquels, sont ajoutés, selon les approches : le trouble anxieux, le trouble dépressif, la personnalité de type A ou la personnalité passive-agressive. Des troubles qui affectent de 9 à 25 % de la population et de 10 à 14 % des salarié·e·s selon une étude menée par Pearson sur la base de l’administration du TD-12 sur de larges échantillons (Rolland & Pichot, 20071).
Le leadership toxique, c’est un panthéon fourni de personnalités difficiles qui empoisonnent votre quotidien professionnel : il y a ce·cette manager·euse qui vous humilie en public lorsque vous lui faites remarquer un oubli de sa part dans une présentation (tendance narcissique), celui·celle qui vous demande de réécrire 9 fois le même rapport (tendance obsessionnelle), celui·celle qui vous accuse de l’espionner pour le compte de la direction (tendance paranoïaque), celui·celle qui passe son temps à parler de lui·d’elle en réunion (tendance histrionique), celui·celle qui n’hésite pas à enfreindre les règles et remettre en cause les décisions de la hiérarchie (tendance antisociale), celui·celle qui se montre tout le temps négatif et pessimiste (tendance dépressive) ou encore celui·celle qui passe de l’enthousiasme absolu au dénigrement malveillant vous concernant et ce, en l’espace d’une journée (tendance borderline) ; c’est aussi celui·celle qui vous traite de fainéant·e et vous accable de travail (type A), celui·celle qui vous donne l’impression de toujours le·la déranger quand vous le·la sollicitez et qui vous adresse à peine la parole (tendance schizoïde), celui·celle qui repousse toujours le moment de décider et ne prend jamais ses responsabilités (tendance évitante), celui·celle qui vous demande de faire son travail à sa place et quête sans cesse votre approbation (tendance dépendante) ou plus rarement celui·celle qui un jour vous a affirmé sans ciller que c’était parce que votre entretien s’était déroulé un jour de pleine lune qu’il·elle savait avec certitude que vous étiez le·la collaborateur·rice idéal·e pour ce poste (tendance schizotypique).
Pour autant, gardons-nous de voir du toxique partout et apprenons à bien jauger plutôt qu’à mal juger. Ainsi pour qu’une personnalité soit considérée comme difficile ou un comportement comme dysfonctionnel, 4 critères doivent être présents :
Premièrement, ce comportement doit être inapproprié ou inadapté au regard de l’environnement et de la culture de travail (sur un chantier bruyant il est admis de crier, mais pas dans une salle de réunion avec 4 personnes)
Deuxièmement, ce comportement doit être stable dans le temps et non la conséquence d’une difficulté passagère (due par exemple à un évènement personnel tel un décès)
Troisièmement, ce comportement doit porter un préjudice objectif à l’entourage professionnel (épuisement, mal-être, démotivation) et/ou à l’organisation (baisse de la productivité, atteinte à la réputation)
Quatrièmement, ce comportement doit aussi susciter chez leur·e auteur·e une forme de souffrance et un malaise.
Plus largement, un bon indicateur d’une personnalité difficile est ce que l’on nomme la rigidité du trait de personnalité. Si le·la leader toxique semble convaincu·e que ses comportements dysfonctionnels sont normaux et qu’il·elle les assume y compris avec une certaine assurance (je suis comme ça, c’est ce qui fait ma force !) sans empathie, sans conscience des dommages pour l’entourage et sans remise en cause (les coach·e·s et les psys, non merci !) alors nous sommes dans le domaine du potentiellement toxique.
Potentiellement toxique, car toutes les personnalités difficiles ne nous empoisonnent pas la vie. Lorsque que l’on étudie les leaders et les dirigeant·e·s comme je le fais depuis 20 ans, on s’aperçoit d’abord que le·la leader toxique est surtout le fait de certaines personnalités difficiles particulières : ainsi les narcissiques, les histrioniques, les anti-sociaux·ales, les types A, les obsessionnel·le·s et les paranoïaques sont-ils·elles très présent·e·s dans les postes à responsabilités dont les exigences de mise en avant de soi, d’innovation, de compétition et de réussite à tout prix soufflent sur les braises des tendances dysfonctionnelles de ces leaders en même temps qu’elles constituent une base de leur sélection et de leur promotion. Ce qui fait dire à certain·e·s que des troubles comme le narcissisme ou la paranoïa peuvent se révéler très productifs pour la réputation ou la performance de l’entreprise (beaucoup moins pour le bien-être des équipes en revanche).
Plus généralement, là où la toxicité et la dangerosité réelles surgissent, c’est quand les traits rigides et dysfonctionnels de ces leaders viennent causer de la souffrance et de la contre-performance et que celles-ci se trouvent à la fois décuplées mais aussi cautionnées par l’influence dont elles disposent dans leur position de leader. Ici, nous pouvons parler de véritable leadership toxique, une toxicité qui désigne à la fois le·la leader mais aussi la culture de pouvoir et de leadership promue par l’organisation. La combinaison des deux produit des ravages comme l’illustre magistralement le film de Scorcèse, le Loup de Wall Street où Leonardo Di Caprio joue avec brio le rôle de Jordan Belfort, ce trader aussi charismatique que narcissique et anti-social, épris de grandiosité, dépourvu d’empathie et affranchi des règles, dans un univers, la finance, qui invitait alors à tous les excès...
Leader toxique et intoxication par le pouvoir
Pour autant, la seule personnalité du·de la leader ou la culture organisationnelle « favorisante » n’expliquent pas tout du phénomène de leadership toxique. Il nous faut également considérer la relation du·de la leader au pouvoir dont il·elle dispose. « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » disait le philosophe Français Montesquieu et « Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument » ajoutait l’historien britannique Lord Acton. Cette croyance qui veut que le pouvoir agisse sur certain·e·s leaders comme un poison qui leur ôte tout sens de la mesure et la raison est ancienne : les Grecs utilisaient le terme d’hubris pour qualifier les effets corrupteurs du pouvoir sur la psyché de ceux·celles qui en détiennent trop.
Plus récemment, les recherches en management ont montré sa présence et mesuré ses ravages au sommet des entreprises (Petit & Bollaert, 20122 ; Sadler-Smith, 20193). L’hubris, c’est l’intoxication du·de la leader par le pouvoir qui à son contact perd le sens de lui·d’elle-même, de ses limites, de ses repères et surtout de sa place. Tel Icare volant trop près du soleil, il·elle se croit au-dessus des lois et des hommes et finira par subir le châtiment des Dieux pour s’être cru·e leur·e égal·e. Ainsi le leadership toxique nous invite chacun·e à nous poser la question du rapport plus ou moins toxique que nous entretenons avec le pouvoir et surtout de l’excès et de l’abus que nous en faisons… À son contact, certain·e·s restent authentiques et parviennent à se gouverner eux·elle-mêmes. À l’inverse, d’autres, souvent parce qu’ils·elles présentent une prédisposition personnelle, telle une tendance narcissique, vont avoir beaucoup plus de mal à lui résister.
Que faire alors pour prévenir le leadership toxique dans les organisations ?
Il nous faut agir à plusieurs niveaux.
Du côté des entreprises, il existe aujourd’hui des instruments de mesure psychométriques pour détecter les personnalités difficiles qui permettent de porter le bon diagnostic lors d’un recrutement ou d’une promotion dans un poste à responsabilités. Mais ces outils ne doivent pas exonérer l’organisation d’un questionnement sur la nature « pousse au crime » de sa culture managériale et l’efficacité de ses dispositifs RH pour lutter contre les risques psycho-sociaux (parmi eux le burn-out, le harcèlement ou encore les violences au travail que peuvent générer les leaders toxiques).
Du côté des salarié·e·s, il est urgent, par une meilleure association des acteur·rice·s de la santé au travail (médecine du travail, syndicats et représentant·e·s, cellules d’écoute, etc) de sensibiliser les salarié·e·s/victimes du leadership toxique en leur offrant des moyens de compréhension et d’alerte : expliquer sans relâche ce qu’est le leadership toxique, comment repérer une personnalité difficile est clé car la mise en mots de ce mal est le premier pas. Cette mise en mot ne peut se faire sans une réflexion sur la sécurité psychologique dont bénéficie les salarié·e·s pour ce faire.
Du côté des leaders eux·elles-mêmes, il est aussi possible d’agir. En veillant à ce que les prise de responsabilités soit accompagnées, par exemple par un coaching. Tout ce qui peut permettre au·à la leader de prendre du recul et de mieux se connaitre, de prendre soin de soi et éventuellement d’envisager une prise en charge (nombre de ses troubles peuvent se gérer avec une bonne prise en charge psychothérapique) pour retrouver un exercice positif de leur leadership doit être proposer.
En matière de leadership toxique, il n’y a pas de fatalité, il faut juste bien nommer le poison et administrer l’antidote.
Les valeurs et la culture dʼentreprise jouent une très grande part dans la qualité de vie au travail, la productivité des collaborateur·rice·s et la rétention des talents. Une entreprise fidèle à ses valeurs et qui développe une culture forte sait sʼentourer des collaborateur·rice·s qui lui correspondent et qui peuvent sʼépanouir dans son environnement.
Des valeurs d'entreprise en inadéquation avec les salariés
Un cadre sur deux démissionne avant 18 mois. Un chiffre plutôt significatif, dʼautant plus lorsque lʼon se penche sur les raisons de ces départs. Parmi ces cadres qui quittent leur entreprise, 27 % le font pendant la période dʼessai, soit parce que les missions ne leur plaisent pas, soit parce que les valeurs de lʼentreprise ne leur conviennent pas. Un constat qui prête à réfléchir sur lʼimportance de considérer la personnalité et les valeurs des candidat·e·s dès les étapes de recrutement afin de mieux préparer leur arrivée.
Cela permet également dʼidentifier rapidement celles·ceux qui pourraient présenter des difficultés à sʼintégrer ou à sʼadapter au mode managérial en vigueur dans la structure. Comme lʼexplique Marc Mezaltarim, psychologue du travail et responsable grands comptes chez Pearson TalentLens : « Les entreprises qui identifient mal les valeurs des personnes quʼelles embauchent multiplient les erreurs de recrutement ». Mieux connaître chaque personnalité permet par ailleurs de proposer des postes et des contextes de travail adaptés.
Pourquoi l'ADN de l'entreprise est important ?
Lʼentreprise puise son ADN dans ses principes fondateurs, mais aussi dans son activité et la façon dont elle sʼadapte à son époque. De son cœur dʼactivité à ses stratégies de développement et de Ressources humaines, lʼentreprise porte une identité, qui repose elle-même sur un système de valeurs. C'est à la base de sa raison dʼêtre, le « pourquoi » de son existence qui sʼexprime souvent à travers un storytelling fédérateur et inspirant pour les collaborateur·rice·s et le reste de ses parties prenantes. De là, nous comprenons lʼimportance de bien connaître lʼADN de son entreprise, qui permet de garder en vue un cap, mais aussi de se réinventer. Cela permet de donner un sens aux actions et de fédérer les ressources, particulièrement en temps de crise.
Ces traceurs identitaires permettent aussi de créer et de maintenir un sentiment dʼappartenance au sein des effectifs. Cʼest particulièrement le cas en télétravail où les entreprises doivent redoubler dʼefforts pour maintenir le collectif autour de valeurs partagées. En context de recrutement, la connaissance de lʼADN et des valeurs de lʼentreprise est un atout de taille pour identifier les candidat·e·s le plus en adéquation avec cette culture.
Développer une culture d'entreprise
Dans un contexte de pandémie qui a soulevé la question de lʼappartenance au collectif, de nombreuses mesures ont été adoptées par les entreprises pour pallier lʼéloignement imposé par le télétravail généralisé. Nombre de ces actions peuvent être mises en application, même dans un contexte « habituel » dʼentreprise. Que ce soit au bureau ou à distance, les collabora teur·rice·s sont celles·ceux qui font vivre la culture dʼentreprise. Ils·elles la nourrissent et sʼen nourrissent également. Quelles que soient les modalités de travail, les moments de rassemblement sont donc importants, afin dʼencourager le dialogue et lʼidentification de chacun·e dans lʼentreprise. La communication informelle est centrale, quʼelle soit spontanée, comme durant les pauses-café au bureau, ou plus organisée, avec des rendez-vous « café visio » en télétravail.
Dans ce contexte, le·la manager·euse a un rôle pivot. Que les modalités de travail impliquent du distanciel ou non, il ou elle porte une mission dʼanimation avec le rôle de donner du sens et dʼinspirer. Dans le télétravail, par exemple, il ou elle a la mission de procurer à son équipe un cadre de travail basé sur la confiance, dans lequel le contexte de travail de chacun·e est pris en compte. En animant lʼéquipe, le·la manager·euse incarne la culture dʼentreprise.
Quelques idées pour faire vivre la culture dʼentreprise
Voici une liste dʼidées, non exhaustive, pour animer la culture et les valeurs de lʼentreprise.
• Créer un club de lecture.
• Animer des ateliers sur des sujets variés « Lunch & Learn », par des expert·e·s ou des salarié·e·s.
• Organiser des repas ou afterworks (avec la livraison à domicile pour les personnes en distanciel).
• Mettre en place des speed datings interservice entre collègues, en réel ou en virtuel pour mieux se connaître.
• Offrir à ses salarié·e·s un jour de congé supplémentaire pour leur anniversaire Birthday off et les inciter à profiter de ce jour pour découvrir quelque chose de nouveau, encourager la curiosité et les inviter par la suite à partager leur expérience.
• Inciter aux activités informelles et non obligatoires comme déjeuner-rencontre ou pause-café en visio.
• Démarrer chaque réunion hebdomadaire par lʼhumeur du jour de chacun·e.
• Donner le droit à des pauses informelles entre collègues.
• Réaliser des enquêtes de satisfaction, que lʼon pourra nommer différemment selon la culture dʼentreprise.
• Encourager les réunions à lʼextérieur, quʼil sʼagisse de marcher ensemble ou de se connecter au téléphone ou en visio.
• Mettre en place une cellule dʼécoute psychologique pour le bien-être des salarié·e·s.
Auteurs : Marc Mezaltarim et Annie Brouillard (Consultant·e·s RH et psychologues du travail chez Pearson TalentLens).
Interview de Véronique Gibert, psychologue coach et psychothérapeute.
Les mois de crise sanitaire ont entraîné des impacts profonds, parfois déstabilisants, sur les individus. Il a donc été nécessaire de revaloriser le travail individuel, en alternant avec le collectif, pour des collaborations plus qualitatives. Le point avec Véronique Gibert, psychologue coach et psychothérapeute.
Quels sont les impacts de la crise surles individus et les organisations ?
Après une année 2020 de réflexion profonde tant sur un plan individuel que collectif, 2021 nous a invités à trouver notre équilibre entre la distance et la présence, entre le corps et l’esprit dans ces changements impressionnants. Cela a dévoilé chez chacun des interrogations et des réflexions pour agir autrement. Néanmoins, nous ne sommes pas tous égaux face aux impacts de la crise. Selon les personnalités, les effets et les conséquences sont différents. S’intéresser à soi, officialiser avec soi-même ses modes de fonctionnement, identifier ses facilités à communiquer, à être en relation, à collaborer, à décider, à distance ou en présentiel, demande de passer du temps avec soi, pour repérer ses besoins.
L’enjeu est donc de trouver le juste équilibre entre distanciel et présentiel. Comment ?
Depuis longtemps, il y a une porosité entre les deux univers que l’individu tente de maîtriser, du mieux qu’il peut. L’individu s’est retrouvé confronté à un quotidien imposé par l’extérieur. L’entreprise s’est installée dans la « maison ». Toute l’organisation du temps privé et professionnel a vécu une rupture. Les limites ont été à instaurer, à définir ou à re-définir en s’ajustant continuellement selon les consignes exigées. La technologie, qui était déjà exploitée, est apparue comme la solution inespérée et a permis de continuer à être en lien professionnellement, à privilégier une solidarité en s’entendant et/ou en se voyant et à choisir le compromis de la présence en entreprise et le télétravail selon les contraintes professionnelles ou personnelles. Selon les personnalités, les styles de management, les états d’esprit… les atouts ses ont renforcés, autant que les travers concernant les modes de fonctionnement. Il est important de se questionner sur le bon équilibre pour soi sur son travail en présentiel et en distanciel. L’observation et la compréhension de soi passent par une démarche d’accompagnementet de développement individuel et d’équipe.
Charlotte du Payrat est consultante, formatrice et conférencière. Elle accompagne les entreprises dans leur transformation et dans le coaching de leurs équipes. Elle est l’auteure d’Orchestrer l’intelligence collective (Pearson, 2019), avec le mentorat de Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur émérite à HEC. Elle évoque ici l’intérêt de porter une attention toute particulière aux interactions pour renforcer la synergie collective au sein des équipes.
La performance collective n’est pas la somme des performances individuelles, elle naît des interactions entre les individus
Dans La Cinquième Discipline, Peter Senge, auteur clé de l’intelligence collective et promoteur de l’entreprise apprenante, invoque la nécessité de se décentrer du « faire tout seul » pour s’intéresser au « comment faire ensemble ». De construire de véritables équipes en s’appuyant sur une cohésion sincère et la richesse de la pluralité des individus. S’il insiste sur le temps et le dialogue nécessaires à l’élaboration de telles équipes, il propose en outre des exercices originaux pour instaurer ce dialogue et faciliter les interactions.
Un exemple ? Faire appel à un coach externe à l’équipe qui s’assure que la parole de chacun y soit écoutée. Après s’être posé en observateur durant quelques réunions où l’équipe est amenée à partager des informations, prendre des décisions, le coach donne ses impressions, cherche à renforcer l’équilibre, incite les plus timides à s’affirmer, tempère ceux qui se montrent trop présents, met en lumière certains comportements significatifs, comme le fait que l’équipe ait pu négliger l’avis d’un salarié sans raison légitime… Au fil du temps, l’équipe apprend à s’écouter, prend conscience de la force qui découle d’un équilibre harmonieux. Cela incite chacun à partager avec l’autre l’espace de décision, de création, en vue d’une plus grande richesse, sans chercher à mettre en avant ou défendre uniquement ses propres contributions.
La vision étant essentielle pour la cohésion de l’équipe, Peter Senge propose de nombreux exercices permettant aux membres de l’équipe de s’interroger à ce sujet. Il s’agit alors de favoriser un partage sur les valeurs, les émotions, les motivations, d’envisager les scénarios d’avenir.
En somme, pour l’auteur de La Cinquième Discipline, l’important, pour maximiser la performance collective, n’est pas de faire la somme des performances individuelles mais de travailler au mieux l’interaction entre les individus.
La rentabilité économique est affaire avant tout d’humains œuvrant ensemble efficacement
Pourtant, peu d’entreprises prennent le temps de se poser ces questions essentielles : comment travaillons-nous ensemble ? Qu’est-ce qui nous motive ? Comment pourrions-nous mieux nous comprendre ? L’équipe respecte-t-elle chacun dans sa différence ? Comment faire en sorte que chacun puisse, au-delà d’un intérêt pour son travail, y trouver l’occasion d’un épanouissement personnel ? Des atomes simples, en s’imbriquant, peuvent former une molécule complexe bien différente des entités de départ sans qu’aucun des atomes puisse s’en prévaloir. De la même manière, c’est en portant l’attention sur ses interactions qu’une équipe parviendra à être plus performante sans que le mérite en revienne à l’un de ses membres. Cette richesse provient de la faculté de l’équipe à former un groupe dans lequel chacun se met au service du collectif sans pour autant se départir de son esprit critique et de sa liberté d’expression.
Le travail d’une équipe performante dépasse de loin la somme du travail des personnes individuelles qui la composent. Les interactions amènent une richesse supplémentaire. En se synchronisant, les personnes finissent par gagner en agilité, en créativité… Elles se soutiennent mutuellement, se conseillent, apprennent de nouvelles compétences, trouvent de l’inspiration… L’équipe gagne en efficience en même temps que les individus progressent. Cette alchimie demande du temps, de la patience. Ainsi, nous avons tous expérimenté le fait qu’il est plus aisé de travailler avec une personne que nous connaissons depuis longtemps, dont nous pouvons prévoir les réactions et avec laquelle nous avons pris le temps de construire un lien de confiance dans le respect des différences de chacun.
Les travaux de Peter Senge ont quasiment trente ans. Étonnamment, peu d’entreprises ont cherché à mettre en œuvre ses préconisations, et la majorité d’entre elles semblent considérer le « comment faire ensemble » comme secondaire au regard de la rentabilité économique. Pourtant celle-ci découle pour beaucoup de la gestion des hommes ! Dans tout sport collectif, une équipe qui gagne est une équipe qui a su faire preuve de synergie, d’enthousiasme collectif, de capacité d’écoute et de dialogue. Négligeant ces interactions, la plupart des entreprises continuent de concentrer leur attention sur la performance individuelle via l’entretien annuel d’évaluation, où chacun tire la couverture à soi, ce qui nuit, bien évidemment, au jeu collectif. Ce modèle d’entreprise plus axée sur le collectif serait-il considéré comme plus coûteux, ce qui expliquerait un tel désintéressement ? ou trop utopiste ? Finalement, notre société s’autorise-t-elle encore à rêver à de beaux projets collectifs ? Le rêve peut sembler naïf, mais c’est pourtant aussi ce qui nousprotège du cynisme et du fatalisme… et nous fait aller de l’avant. C’est aussi le collectif qui permet de trouver l’énergie pour atteindre les rêves les plus ambitieux.
Travailler les interactions
Notre enjeu, de taille, est de parvenir à « travailler nos interactions » pour nous enrichir les uns des autres. Or, pour cela nous devons faire évoluer des schémas mentaux bien trop centrés sur l’ «ego » dans lequel nous cherchons plus à prouver notre valeur qu’à être à l’affut de celle de l’autre. Cette attitude a été renforcée par une évaluation trop souvent centrée sur l’individu qui incite à se mettre en avant au détriment des autres. Au contraire, nous devons rechercher une posture d’humilité visant à nous attacher au bien collectif avant notre intérêt personnel et à notre souci d’apparence. Bien évidemment, un tel schéma mental implique que le management puisse jouer un rôle de régulateur en veillant à la juste reconnaissance des contributions afin d’éviter que certains ne profitent abusivement de l’altruisme des autres.
Prenons un cas concrèt sur une des dimensions du test : l’organisation Z / l’adaptation A. Les personnes très organisées Z comme Sylvie ont souvent de la difficulté à travailler avec les personnes dans l’adaptation A, comme Christine. Sur un projet important, Sylvie a ainsi tout balisé : planning, jalons, dates, réunions, agenda…. Tout a été dessiné à l’avance. Elle se plaint du fait que Christine qui travaille avec elle planifie peu. Sévère, elle considère même qu’elle est non professionnelle et veut l’amener à calquer son comportement sur le sien. Elle cherche à la « coacher » et se met en position de « professeur » face à un élève novice. Christine, elle, se sent oppressée. Cette façon de tout prévoir à l’avance lui parait absurde tant la vie peut amener d’imprévu. Elle sait d’expérience qu’il vaut mieux laisser de grandes plages pour ce qui survient tout en cherchant à glaner le plus d’informations possible pour enrichir sa vision globale. Des tensions naissent entre elles. Or, tout à coup, Christine réalise puis alerte sur un fait pouvant mettre en péril le projet : des utilisateurs clés ont été complétement oubliés. Son attitude souple, sa capacité à s’ouvrir à son environnement, l’ont rendu plus susceptible de détecter ce point. Elle s’ajuste alors. En fin de compte, Sylvie réalise qu’elle avait jugé un peu sévèrement Christine qui, elle, reconnait qu’il est confortable de s’appuyer sur le planning de Sylvie pour avancer de manière efficace et opérationnelle.
Interview de Filip de Fruyt, Professeur en psychologie différentielle à l’université de Gand, co-auteur des outils d’évaluation PfPI et TD-12 édité par Pearson TalentLens France, parue dans Le magazine de l'ANDRH n°613 de septembre-octobre 2021.
Pour réduire le risque de recruter des candidats pouvant impacter négativement le climat de travail ou la performance individuelle et collective, Pearson TalentLens propose l’inventaire de personnalité TD-12. Filip De Fruyt, Professeur en psychologie différentielle à l’université de Gand, co-auteur des outils d’évaluation PfPI et TD-12 édités par Pearson TalentLens, nous en dit plus.
Comment les professionnels RH peuvent-ils repérer les personnalités difficiles et se prémunir de leur impact sur le climat et la productivité en entreprise ?
Plusieurs actions peuvent être mises en place par les managers et le service RH pour identifier les comportements potentiellement toxiques pouvant nuire au bon fonctionnement des équipes. Premièrement, il est essentiel de favoriser les discussions ouvertes sur la qualité de l’environnement de travail. L’idée est d’impliquer toutes les parties prenantes, indépendamment du statut hiérarchique, dans un processus d’échanges visant l’amélioration des processus de travail, des résultats et du bien-être des employés. Ensuite, il s’agit d’identifier les potentielles personnalités à tendances dysfonctionnelles lors des processus de sélection-recrutement, d’orientation professionnelle ou de développement personnel. Ceci est d’autant plus important dans des métiers liés à la sécurité, impliquant la prise en charge ou les contacts avec des personnes vulnérables ou impliquant une activité dans des circonstances stressantes ou difficiles. Face à un marché pénurique de l’emploi, il devient nécessaire de soutenir et d’accompagner les collaborateurs pour éviter l’impact d’éventuelles tendances dysfonctionnelles sur le climat de travail ou la productivité.
Le télétravail peut d’ailleurs, dans certains cas, exacerber le manque de confiance vis-à-vis des équipes…
Le télétravail est un exercice de confiance, nécessitant de redéfinir la relation employeur/employé, mais aussi entre les membres d’une même équipe. Le télétravail aura des répercussions sur la sélection et le développement des collaborateurs, et sur l’organisation du travail. Dans ce contexte, l’instauration et l’entretien actif d’une culture de la confiance seront d’une importance capitale. Les managers devront mettre au point de nouvelles méthodes de suivi de l’activité de leurs collaborateurs, en leur laissant sufisamment de liberté pour planifier et organiser leur travail et leur temps. Il est temps désormais de bannir définitivement les pratiques de contrôle telles que le pointage du temps de travail et de faire confiance aux collaborateurs dans la réalisation des tâches qui leur sont assignées. Par ailleurs, de nombreux employés travaillent en équipe et en sont satisfaits. Le télétravail nécessitera donc également d’autres moyens de se connecter et de satisfaire ce besoin d’appartenance.
Comment vos solutions peuvent-elles aider les professionnels RH à gérer ces situations complexes ?
Avec Pierre Pichot et Jean-Pierre Rolland, nous avons développé le TD-12 (inventaire des 12 tendances dysfonctionnelles) édité par Pearson TalentLens. Utile dans les contextes de sélection et de développement pour identifier les difficultés potentielles de personnalité des candidats ou des collaborateurs, le TD-12 permet de mener une évaluation large et approfondie de ces tendances dans un court laps de temps.
Après avoir pris le soin de bien définir ce qu’on entendait par « climat de travail » et ce qui pouvait le rendre « toxique », Marc Mezaltarim, Psychologue du Travail et Responsable Grands Comptes chez Pearson TalentLens donne de précieux conseils pour éviter un climat de travail hostile en entreprise et développer le bien-être des collaborateurs et, à travers lui, la performance individuelle et collective.
Comme l’évoque Marie-Pierre FEUVRIER dans un article paru en 2014, travail et bonheur ont longtemps été dissociés, étant même jugés incompatibles par la philosophie antique. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que la littérature a commencé à les rapprocher. Pour arriver dans les années 2000 à l’obligation dictée aux DRH par le ministère du Travail (rapport Lachmann-Larose-Pénicaud de 2010), de prendre en compte le bien-être et la santé mentale des salariés, au-delà d’une simple gestion du stress. Cela passe notamment par les Négociations Annuelles Obligatoires des entreprises (NAO) qui incluent la Qualité de Vie et les Conditions de Travail (QVCT).
Un autre rapport rendu par la commission Stiglitz- Sen- Fitoussi en 2009 parle lui du bonheur comme une piste à exploiter, au-delà du PIB, comme indicateur de la performance économique et du progrès social. Pourtant, ainsi que l’expose Nathalie Bernard, alors doctorante, certains dirigeants d’entreprise ont encore du mal à lier performance et bien-être, et conditionnent, quand ils le prennent en considération, le second à la réalisation de la première. Il reste donc du chemin à parcourir !
Un climat de travail toxique va bien au-delà d’une mauvaise ambiance de travail
Avant d’évoquer ce qu’est un climat de travail toxique, il paraît opportun de rappeler ce qui détermine le climat de travail. Dans la définition qu’en fait G. Leblanc dans une étude parue en 2004, le climat de travail intègre : l’autonomie dans la réalisation de ses tâches, la possibilité de s’épanouir au travail, la reconnaissance et les encouragements dont bénéficie l’individu, les relations interpersonnelles, le cadre de travail. Cela va bien au-delà de la simple ambiance de travail. Bien entendu, le climat de travail peut découler de la culture d’entreprise, du sentiment de justice ou non que l’organisation génère auprès des salariés à travers sa politique et ses pratiques, des ressources et conditions de travail mises à la disposition de ces derniers dans le cadre de leur activité. Des auteurs comme Kamp et Brooks (1991) ont démontré que le climat de travail a une incidence sur les comportements contre-productifs : absentéisme, perte de productivité, erreurs volontaires, désengagement, vol, agressivité… Se sentir exploité, comme l’indiquent les auteurs Clark et Hollinger, porte davantage les salariés à adopter des comportements nuisibles.
Les facteurs conjugués d’un climat de travail toxique
La privation de liberté d’action, le contrôle à l’excès, l’incapacité à s’épanouir, une surcharge régulière de travail ou au contraire un poste vidé de son contenu, l’absence de feedback sur son travail ou un feedback systématiquement négatif, l’absence de relations interpersonnelles ou des relations de travail délétères (harcèlement, moqueries, dénigrement), un cadre de vie au travail hostile (bruit, éclairage, isolement forcé...) peuvent être source de stress et de mal-être, voire engendrer des comportements contre-productifs.
Nous voyons bien au demeurant que ces situations ont pour origine des comportements humains et que le management y joue une part prépondérante. C’est pourquoi des études ont été menées et des tests de personnalité élaborés pour tenter d’identifier les personnalités potentiellement nocives. Il apparaît ainsi que l’agréabilité (la capacité à avoir de bonnes relations aux autres) et l’esprit consciencieux dans le travail (deux dimensions issues du modèle des « Big Five ») induisent moins de comportements contre-productifs que leur contraire. À contrario le narcissisme apparaît comme une variable notoire d’altération du climat de travail. De même que certains comportements rigides et répétés qui révèlent des tendances dysfonctionnelles. L’éthique personnelle a aussi une influence sur les comportements déviants au travail.
Développer le bien-être des collaborateurs et leur performance
Pour éviter un climat de travail hostile et développer le bien-être des collaborateurs et à travers lui la performance (des études ont démontré leur corrélation), les critères sont nombreux. En voici une liste non exhaustive.
Cela passe déjà par le recrutement et l’évaluation ; pour identifier et éviter de placer à des postes des personnes qui vont avoir une influence négative sur l’organisation et les équipes. S’entourer de personnes honnêtes et bienveillantes est un bon garde-fou contre les comportements antisociaux au travail.
L’entreprise et le management ont aussi un rôle crucial à jouer. En affichant clairement la culture d’entreprise, en donnant du sens au travail, en faisant preuve d’exemplarité à tous les niveaux de l’organisation, en offrant à chaque salarié autonomie, prise d’initiative et de décision, capacité à développer ses compétences à travers notamment la formation. En cultivant la pratique du feedback, en valorisant et encourageant chacun, les salariés se sentiront mieux et seront moins enclins à adopter des comportements déviants, à commencer par l’absentéisme. Les règles doivent être affichées et connues de tous et chaque manager doit veiller à ce que son équipe travaille dans de bonnes conditions et ait les moyens de bien faire son travail. Le management doit être attentif à tous ces aspects évoqués, lui qui a un rôle prépondérant dans le maintien de la motivation et de la satisfaction au travail des équipes. Être exemplaire, donner du sens au travail, pratiquer un management équitable, faire vivre au quotidien les valeurs de l’entreprise, animer l’équipe sans exclure personne, sont des critères clés pour assurer bien-être et épanouissement dans le travail.
Si le management n’est pas seul responsable du climat de travail et des comportements contre-productifs associés, il est souvent critiqué dans la littérature qui s’y rapporte. Le manager doit lui-même être conscient de ce qu’il projette sur les autres et travailler si besoin à améliorer son image. Il ne doit pas hésiter à solliciter un feedback de son équipe sur ce qui va et ne va pas, pour progresser. Il doit aussi savoir réagir et ne pas laisser durer des comportements inadaptés. Et ce, en lien avec la DRH.
Mais c’est aussi à chacun d’entre nous de réfléchir à ses propres comportements et à chercher à rassembler plutôt qu’à diviser. Quant à l’entreprise, elle peut aussi, dans le cadre des actions de cohésion d’équipe qu’elle entreprend, s’appuyer sur des individus positifs et moteurs, qui adhèrent aux valeurs de l’entreprise, partagent leur enthousiasme et distillent optimisme et bien-être autour d’eux. Car comme l’énonce la psychologie positive qui s’intéresse à la santé et au bien-être (à ce qui rend les humains résilients, heureux, optimistes), si des prédispositions génétiques au bonheur existent, il est aussi pour 40% la résultante d’une activité intentionnelle.
Anne Litique est fondatrice de Oh ! Potentiel. Co-auteur du livre Médiation des conflits au travail (Pearson, 2021), elle travaille depuis plus de 20 ans à résoudre des situations professionnelles complexes et délicates, allant des difficultés de positionnement ou de relations non collaboratives jusqu’à des conflits avérés. Elle anime des formations sur les personnalités difficiles. Exemple concret à l’appui, elle nous met en garde contre l’avis parfois trop hâtif en entreprise de qualifier un collaborateur de « toxique ».
Une réunion parmi tant d’autres
La dernière réunion animée par Catherine, responsable du service après-vente, restera dans les mémoires. Après avoir critiqué tous les projets présentés par ses collaborateurs et reproché à leurs rapporteurs leur manque de compétence, elle leur a asséné un interminable discours dont ils ont retenu qu’il « serait temps de se bouger les fesses », « d’ouvrir leurs chakras pour comprendre les enjeux du service » et « d’essayer d’être un peu créatifs, pour une fois ». Se levant brusquement, elle a conclu : « J’espère que vous vous rendez compte que je dois tout reprendre pour mon rendez-vous avec le Président, nuit blanche assurée, merci les gars ! ». Autour de la table, personne n’a osé répondre. On avait refermé les laptops et posé les stylos, on était pétrifié. La porte a claqué après son départ.
Puis on a recommencé à reparler. « Pression », « speed », « pénible », « stress », « ras-le-bol » sont sortis. Et puis un autre mot : « toxique ». On s’est regardé : c’est vrai, Catherine diffuse depuis des mois un malaise qui met ses collaborateurs à cran, les infantilise et finit par leur faire perdre l’envie de venir au travail.
Pour autant, peut-on classer cette manager dans les « personnalités toxiques » ?
Revenons quelques mois en arrière. Zoom sur le restaurant d’entreprise où Kamel et Sybille, managés par la même Catherine, à l’époque responsable d’une équipe aux achats, déjeunent. Ils sont heureux, ils vont bien. Sybille : « On a une chance folle d’être managés par Catherine, elle est cool et bienveillante. Elle a la pression, mais elle ne la répercute pas sur nous ». Kamel : « Grâce à elle, j’ai pu me former sur des aspects techniques de mon métier, et gagner en confiance en moi. Son exemple me donne envie d’être manager un jour, moi aussi ». Ils conviennent qu’il lui arrive d’être sous stress, de perdre un peu les pédales et de s’énerver. Mais elle en a conscience, sait s’excuser et revenir rapidement à un mode de fonctionnement serein.
Alors, Catherine : toxique ou pas toxique ?
Tout est question de contexte
Catherine est sans aucun doute une personne engagée, volontaire, qui aime les résultats : oui, voyons tout d’abord ses forces et ses talents… que l’on perd de vue quand on la voit si tendue. Dans son équipe précédente où le contexte était clair, les enjeux partagés, les rôles et les attendus bien définis, elle pouvait se montrer attentive, collaborative, altruiste tout en atteignant les objectifs fixés.
Lorsqu’elle a été nommée à l’après-vente, le service n’avait jamais été géré. Qui devait faire quoi ? On ne savait pas… Jusqu’où allaient les responsabilités des uns et des autres ? Aucune idée ! Que faisait-on quand Martine laissait sonner le téléphone pendant des heures ? Ou que Renaud laissait filer ses dossiers ? Rien. Quel était l’objectif commun ? Drôle de question… L’organisation était floue. Les collaborateurs n’étaient pas malheureux pour autant : ils faisaient leur job avec détachement, en s’impliquant au minimum. Si un client était mécontent, ce n’était pas la fin du monde. D’ailleurs, on en perdait de plus en plus… C’est ce qui avait fini par mettre hors de lui le responsable commercial, qui voyait s’envoler les clients que ses équipes avaient tant de mal à décrocher. Catherine avait été mandatée pour « remonter le service après-vente » : avec cette femme efficace et appréciée de ses équipes, l’objectif serait rapidement atteint.
Mais, dans son parcours, Catherine n’avait jamais été confrontée à un tel flou : elle a vite constaté que tout lui glissait entre les mains, qu’elle ne s’en sortait pas. Ses recettes et sa manière de faire naturelles, ses talents n’ont plus suffi à rendre son équipe performante. Elle est entrée en stress, devenant de plus en plus inquiète pour elle-même, son équipe, les clients, et même pour l’entreprise. Et donc de plus en plus tendue. De plus en plus rigide et exigeante aussi (conséquence de son stress).
Catherine n’est pas une personnalité toxique en tant que telle : c’est une personnalité sous stress.
La satisfaction (ou non) des besoins fondamentaux : une clé pour bien travailler ensemble
Elle a eu raison de vouloir mettre en place au sein de sa nouvelle équipe une certaine structure (préciser les objectifs, les rôles, les périmètres de chacun) et de la considération (après avoir reçu chacun en entretien individuel, elle leur a confié des projets sur lesquels ils seraient autonomes, pour avoir l’occasion de les valoriser et faire remonter leur motivation). Elle est perspicace et intuitive, car structure et reconnaissance sont les deux besoins les plus importants à satisfaire pour asseoir l’envie de collaborer. Le troisième – besoin d’action, de stimulation, et de créativité – est essentiel aussi … Dans une équipe démotivée où plus personne n’a envie de contribuer, il faut s’occuper des trois en même temps.
Mais il y a la manière ! Et le stress de Catherine ne l’aide pas à trouver un juste positionnement. Si elle venait nous voir, nous lui conseillerions de laisser plus de temps à l’équipe pour se transformer, et de travailler sur son mode relationnel (agressif, exigeant, rigide) afin que son équipe puisse vivre la transition de façon optimale. Nous regarderions avec elle comment redonner du sens aux choses, et valoriser les étapes déjà parcourues, avec sincérité et pédagogie, sans perdre le cap de vue. Sans doute arriverait-elle à embarquer ses équipes, qui ont besoin de temps et de soutien dans le changement.
Alors, comment reconnaître une « personnalité toxique » ?
Une personnalité toxique est une personne qui, de façon durable et automatique (involontaire, irréfléchie), vit et fait vivre aux autres des situations de tension extrême, se mettant et mettant par la même occasion les autres dans une impasse. Au travail comme dans les autres domaines, cela génère de la souffrance pour ses interlocuteurs, qui se sentent impuissants à fonctionner avec elle.
Si Catherine était une personnalité toxique, nous saurions qu’elle ne va pas changer. C’est une des caractéristiques de ce type de personnalités : elles ne peuvent que rejouer leur scénario encore et encore, bien qu’il génère des résultats apparemment contre-productifs. En réalité, il permet autre chose pour elles, invisible pour les autres : focaliser l’attention sur elles, ou au contraire les exclure, donner à croire qu’elles sont inadaptées, incompétentes, victimes ou bourreaux, etc. Autant de conséquences qui nourrissent leur vision déformée des choses et viennent leur confirmer leur scénario.
Mais ne cataloguons pas trop vite les personnes avec qui l’on vit des tensions au travail… comme « toxiques », « perverses », ou « manipulatrices » ! Ces dénominations fleurissent en entreprise, parfois à mauvais escient. Commençons par prêter attention aux besoins réels et authentiques des parties prenantes car, bien souvent, une écoute sincère et une attention réelle à leurs besoins suffisent à faire redescendre la pression et renouer avec l’harmonie au travail.
Claude Chrétien, coach associé fondateur du cabinet RESONANCE Coaching et également auteur du livre Manager par la confiance – Mettre l’humain au cœur des transformations de l’entreprise (Pearson, 2020), insiste sur l’importance, dans des phases répétées de confinement et de télétravail, de ne pas tomber dans le micro-management, le surcontrôle, l’omniprésence mais d’accorder une place incommensurable à la confiance dans son management d’équipes.
L’ADAPTATION FACE À LA CRISE
La première période de confinement, soudaine, brutale a démontré une capacité d’adaptation insoupçonnée de tous. Particulièrement dans l’univers professionnel, la grande majorité d’entre nous a réussi à traverser efficacement cette épreuve en limitant les dégâts au prix d’un effort souvent intense mais finalement temporaire.
La deuxième phase que nous vivons actuellement est différente sur deux points. Le premier point est qu’il n’y a plus d’effet de surprise, tout le monde sait à quoi s’attendre, nous sommes conscients des efforts que nous allons devoir fournir. Le deuxième point est que nous savons que nous nous inscrivons dans un temps long, par vagues successives sans avoir de certitude sur l’échéance de la fin de l’histoire.
Ce n’est plus un sprint mais un marathon. Comme dans ce dernier, les traumatismes liés aux efforts répétés n’apparaissent que dans la durée. Ainsi les collaborateurs bien préparés, dans de bonnes dispositions avant le confinement ont de bonnes chances de traverser sereinement les épreuves mais les autres vont inévitablement voir apparaitre des traumatismes plus ou moins graves.
Je parle ici de comportements déviants qui vont se manifester au sein des équipes. À l’inverse du marathon, l’entreprise n’est pas une activité individuelle mais collective. Les biens portants ne pourront pas courir longtemps sans prendre soin de ceux qui appellent au secours, perdent pieds, ou même adoptent des attitudes inadaptées… Cette dégradation rampante des équipes et de l’activité génère naturellement de l’inquiétude dans l’encadrement. La réponse adaptative des managers est souvent de tomber dans le micro-management, le surcontrôle, l’omniprésence qui ne traitent pas les vrais problèmes et contribuent au contraire à dégrader encore davantage les situations.
L’une des solutions efficientes consiste à mettre en place un management par la confiance.
QUELS EN SONT LES INGRÉDIENTS ?
D’abord créer un cadre de vérité sur les enjeux, les finalités de l’activité et de la période, mettre en place un pacte de confiance. Oser sortir de la langue de bois, de l’objectif idéal (qu’on n’atteindra bien sûr jamais) et prendre le temps de s’aligner sur un possible réalisable. Je veux dire faire un travail d’adhésion et d’engagement réciproque au sein des équipes. Ce temps fédérateur doit produire un effet de cohésion et de solidarité qui permettra à chacun de s’exprimer sur ce qu’il se sent capable de porter en fonction de son état de forme et de ses contraintes propres.
Le deuxième point est de renforcer les liens au sein de l’équipe. La perte de liens est ressortie clairement comme le premier déficit perçu du premier confinement. Il est donc clé de renforcer le climat de confiance relationnel qui permet ne pas se sentir seul mais soutenu, compris, encouragé, écouté. Il faut donc veiller à densifier les contacts individuels et collectifs mais surtout à y prévoir une place significative pour l’expression personnelle, les ressentis, les feedbacks ou tout simplement laisser un peu de vide pour faire la place à ce qui a besoin d’être exprimé.
Un autre ingrédient est de garder confiance en l’avenir. Ne pas tomber dans un positivisme artificiel mais regarder la situation et l’avenir comme des challenges à relever plutôt que comme des problèmes à résoudre. Savoir remarquer tous les jours les bonnes idées, les petites victoires, les initiatives qui font avancer et bien sûr les valoriser. Ces périodes troublées sont souvent des moments propices pour remettre en cause les habitudes, les organisations, lancer ou accélérer des projets, en un mot innover et croire à de nouveaux possibles.
Le dernier ingrédient est de décréter la confiance. Déléguer davantage, monter les niveaux d’autonomie au poste, alléger les contrôles, encourager l’autocontrôle, stimuler la créativité, donner le droit à l’erreur… évoluer d’un management par objectif vers un management par mission moins enfermant mais tout aussi efficace.
En conclusion, j’ai envie de dire, avec un brin d’humour, que le management par la confiance n’est pas un vaccin capable d’immuniser les entreprises en période de crise contre la dégradation des équipes et les comportements déviants. Il peut cependant réellement limiter les grosses inflammations et l’émergence de spirales négatives rapidement incontrôlables.
Gardons un esprit positif, cette crise Covid est en train de nous faire grandir, nous allons gagner dix ans dans la modernisation des cultures managériales.
Claude Chrétien est l’un des trois coachs associés fondateurs du cabinet RESONANCE Coaching et auteur du livre Manager par la confiance – Mettre l’humain au cœur des transformations de l’entreprise (Pearson, 2020). Après avoir été manager commercial pendant 20 ans dans un grand groupe de cosmétique du luxe, il est certifié praticien LHEP sur le modèle Élément humain® en 2011 et accompagne des managers et dirigeants d’entreprises en coaching d’équipe, team building.
Il a participé à la création de plusieurs universités internes de grandes entreprises, apportant des pédagogies expérientielles novatrices sur les thèmes du leadership, du manager coach et de l’efficacité collective. Associé de la Société Française de Coaching, il a été administrateur de plusieurs associations de professionnels du coaching.
Motiva, une solution créée par Prof. Z. Segal et Y. Duron éditée par Pearson TalentLens
Motiva a remporté le trophée Top Solution be.digit 2019 (Solutions digitales d’évaluation et/ou d’amélioration du niveau de bien-être au travail) organisé par SpotPink, mars-lab, ANDRH, Fiabilis et MagRH.
Vous avez installé le babyfoot tant demandé par vos collaborateurs, mais vous avez le sentiment que le seul impact visible est l’augmentation des compétences en babyfoot des pratiquants ?
Rien d’étonnant, il n’y a pas d’impact significatif des « wellness program » sur la performance ou la santé mentale des salariés1. Faut-il pour autant jeter le babyfoot ?
La plupart des experts en QVT s’accordent sur le fait que les approches QVT les plus efficaces sont celles qui portent sur la qualité du travail en lui-même2 plutôt que sur ses à-côtés. Mais qu’est-ce qu’un travail de qualité et comment l’organiser ? Pour répondre à ces questions il faut en premier lieu comprendre les attentes et besoins des salariés.
Qu’est-ce que la qualité de vie au travail pour les salariés ?
Lorsqu’on les interroge sur ce que représente pour eux la qualité de vie au travail, la réponse est souvent simple : avoir un travail intéressant, dans des conditions qui correspondent à leurs aspirations (avoir du sens, avoir de la reconnaissance, travailler en équipe, manager une équipe, avoir une sécurité d’emploi…).
La QVT est pavée de bonnes intentions, mais…
Là où les choses se corsent, c’est que chaque personne a des intérêts et des leviers de motivation qui lui sont propres3. Chaque collaborateur est unique et a une représentation de ce qui fait la qualité du travail différente.
Il en découle les conséquences suivantes :
En matière de QVT, les approches globales ont peu de chances de fonctionner. Ainsi, tous ceux qui ne sont pas intéressés par le babyfoot, vont estimer qu’on ne s’occupe pas des vrais problèmes, les leurs.
Plaquer une solution (d’organisation, de management, technique…) qui a pu fonctionner ailleurs, sans savoir ce qui motive ses propres collaborateurs est voué à l’échec. Ainsi si vous souhaitez introduire plus de collaboration, d’autonomie, de créativité dans vos équipes, alors qu’historiquement elles ont été recrutées pour exécuter des missions conçues par d’autres, cela risque au contraire de générer du stress et de déstabiliser ces mêmes équipes.
Il faut éviter les solutions pensées d’en haut et commencer par le terrain, les salariés, en privilégiant les approches à la carte.
Ce que Motiva peut apporter à vos démarches QVT
Motiva est une méthode scientifiquement validée pour mesurer les intérêts, forces et motivations des collaborateurs. Elle a d’ailleurs été classée en premier sur ce point dans le « Rapport global d’analyse de solutions digitales d’évaluation et/ou d’amélioration du niveau de bien-être au travail »4.
Les résultats de Motiva peuvent être exploités à différents niveaux, individuel ou collectif :
en autonomie par les collaborateurs eux-mêmes à l’occasion d’un événement type semaine de la QVT par exemple (ils seront accompagnés par des vidéos),
par le manager dans le cadre des entretiens annuels ou d’animation d’ateliers avec son équipe (le manager disposera de rapports qui l’aideront à identifier les points d’amélioration attendus par les membres de son équipe et des conseils dédiés),
par les RH à l’occasion de l’onboarding des collaborateurs, d’ateliers dédiés à la QVT basés sur la motivation, de démarches plus globales liée à l’engagement,
Par des consultants RH internes ou externes qui pourront tirer partis de résultats détaillés pour avancer en profondeur avec les individus et/ou les collectifs.
Quelques références :
1. “What Do Workplace Wellness Programs Do? Evidence from the Illinois Workplace Wellness Study”, Damon Jones, David Molitor, Julian Reif (2019), The Quarterly Journal of Economics (Oxford University Press)
2. « Et si QVT signifiait… que vous voulez transformer ?» MagRH, mai 2019
3. « La motivation une compétence qui se développe : Guide pour développer la motivation et l’engagement au travail », Z. Segal, Y. Duron, Pearson 2015
4. « Rapport global d’analyse de solutions digitales d’évaluation et/ou d’amélioration du niveau de bien-être au travail », Carole Blancot, Céline Couret, François Geuze, Sarah Mokaddem, Pierre-Eric Sutter (2019), mars-lab, Spotpink, P58.
Cet article a été publié initialement dans la revue RH&M, N°73, Avril 2019, p.57, Focus rubrique “Évaluation des talents”. Par Yves Duron, Psychologue du travail et co-fondateur de Motiva
Les entreprises consacrent beaucoup d’énergie et d’argent à attirer les meilleurs candidats (campagnes de communication, expérience candidat attractive et même parfois chauffeur privé pour les conduire à l’entretien). Mais font-elles ce qu’il faut pour les garder, pour les aider à rester motivés dans leur travail une fois embauchés ? 22% des nouvelles recrues quittent leur job dans les 45 premiers jours selon Bersin by Deloitte. Ces chiffres (en progression de 13%1 par an) prouvent que les entreprises n’ont pas encore trouvé la solution pour limiter le turnover et la démotivation précoce. Éviter certaines erreurs leur permettrait d’être plus efficaces dans ce domaine.
ERREUR N°1 : PENSER QUE TOUT LE MONDE FONCTIONNE DE LA MÊME MANIÈRE
La majorité des entreprises font des efforts pour améliorer le bien-être et l’engagement de leurs collaborateurs, mais elles le font souvent sans réellement connaître ce qui motive/démotive chacun de leurs collaborateurs. C’est un peu comme si un médecin proposait à tous ses patients les mêmes médicaments. En matière de motivation au travail, chaque personne a une combinaison de ressorts de motivation qui lui est propre2. Il est donc indispensable avant toute action de mesurer précisément ce qui intéresse chaque collaborateur et le motive professionnellement.
ERREUR N°2 : ABORDER LA MOTIVATION DES CANDIDATS DE MANIÈRE TROP SUPERFICIELLE
Lors de l’entretien de recrutement, les questions du type « Pourquoi vouloir travailler dans notre entreprise ? » ou « Qu’est- ce qui vous intéresse dans ce poste ? » sont peu efficaces. Le candidat s’est préparé à ces questions et n’y répond pas forcement avec une grande sincérité. Il est donc préférable, après avoir mesuré ses intérêts professionnels et ses ressorts clés de motivation, d’échanger de manière approfondie avec lui sur ce qui lui donne de l’énergie, ou au contraire a tendance à le démotiver. Cela permet d’évaluer si ses motivations correspondent bien au poste à pouvoir, à la culture de l’entreprise, à l’équipe et au manager qu’il est susceptible de rejoindre. C’est aussi l’occasion de mettre en avant les points du poste qui correspondent à ses attentes
ERREUR N°3 : NE PAS ADOPTER LA BONNE POSTURE PENDANT LE RECRUTEMENT
Évaluer le candidat de manière unilatérale, en lui demandant de se justifier, dans un contexte de mise en compétition, ne l’amène pas à se livrer sincèrement. Si on ne peut lui en vouloir de chercher à convaincre son interlocuteur, cette situation ne lui donne pas l’occasion de se préparer à certains aspects du poste, de l’entreprise, qui pourraient moins lui plaire (et que le recruteur peut avoir peur d’évoquer avec lui). Or, lorsque le candidat s’en rend compte après l’embauche, il y a un risque qu’il se sente floué. Prévenir la démotivation précoce passe par une relation plus équilibrée au moment du recrutement : écoute bienveillante de ce qui motive/ démotive le candidat, mais aussi une certaine transparence sur la réalité du poste à pourvoir. Un candidat qui accepte un poste en ayant connaissance des aspects moins motivants pour lui sera beaucoup moins sujet à une démotivation précoce.
ERREUR N°4 : NE PAS SENSIBILISER LE MANAGER SUR CE QUI MOTIVE LA NOUVELLE RECRUE
Les premières heures et jours qui suivent la prise de fonction sont cruciaux. Le processus d’intégration peut être plus performant lorsque le recruteur transmet les leviers motivationnels du nouvel embauché à son manager. Savoir que la personne a besoin d’avoir des objectifs clairs, qu’elle aime être autonome dans son travail et qu’elle est sensible à la reconnaissance de ses supérieurs, permettra au manager d’être vigilant sur ces points.
ERREUR N°5 : NE PAS ASSURER UN SUIVI MOTIVATIONNEL DES COLLABORATEURS
Un changement d’équipe, un changement de poste, une nouvelle orientation stratégique peuvent avoir un impact majeur sur la motivation d’un collaborateur. Réduire le turnover passe par une mesure régulière de la satisfaction motivationnelle (à quel point je suis satisfait de ce qui est important pour moi) et l’identification d’actions pour améliorer les choses. Cela peut se faire à l’occasion de l’entretien professionnel, avec l’appui du manager, des RH, voire de coachs internes ou externes pour les profils que l’entreprise a peur de perdre.
1. Preparing for take-off: global research into employee retention, Hay Group
2. La motivation une compétence qui se développe : Guide pour développer la motivation et l‘engagement au travail, Z. Segal, Y. Duron, Pearson 2015