Faut-il craindre, dans le climat actuel, davantage de comportements déviants en entreprise ? Réponse dans cet avis d'expert !

Claude Chrétien, coach associé fondateur du cabinet RESONANCE Coaching et également auteur du livre Manager par la confiance – Mettre l’humain au cœur des transformations de l’entreprise (Pearson, 2020), insiste sur l’importance, dans des phases répétées de confinement et de télétravail, de ne pas tomber dans le micro-management, le surcontrôle, l’omniprésence mais d’accorder une place incommensurable à la confiance dans son management d’équipes.


L’ADAPTATION FACE À LA CRISE
La première période de confinement, soudaine, brutale a démontré une capacité d’adaptation insoupçonnée de tous. Particulièrement dans l’univers professionnel, la grande majorité d’entre nous a réussi à traverser efficacement cette épreuve en limitant les dégâts au prix d’un effort souvent intense mais finalement temporaire.

La deuxième phase que nous vivons actuellement est différente sur deux points. Le premier point est qu’il n’y a plus d’effet de surprise, tout le monde sait à quoi s’attendre, nous sommes conscients des efforts que nous allons devoir fournir. Le deuxième point est que nous savons que nous nous inscrivons dans un temps long, par vagues successives sans avoir de certitude sur l’échéance de la fin de l’histoire.

Ce n’est plus un sprint mais un marathon. Comme dans ce dernier, les traumatismes liés aux efforts répétés n’apparaissent que dans la durée. Ainsi les collaborateurs bien préparés, dans de bonnes dispositions avant le confinement ont de bonnes chances de traverser sereinement les épreuves mais les autres vont inévitablement voir apparaitre des traumatismes plus ou moins graves.

Je parle ici de comportements déviants qui vont se manifester au sein des équipes. À l’inverse du marathon, l’entreprise n’est pas une activité individuelle mais collective. Les biens portants ne pourront pas courir longtemps sans prendre soin de ceux qui appellent au secours, perdent pieds, ou même adoptent des attitudes inadaptées… Cette dégradation rampante des équipes et de l’activité génère naturellement de l’inquiétude dans l’encadrement. La réponse adaptative des managers est souvent de tomber dans le micro-management, le surcontrôle, l’omniprésence qui ne traitent pas les vrais problèmes et contribuent au contraire à dégrader encore davantage les situations.

L’une des solutions efficientes consiste à mettre en place un management par la confiance.

QUELS EN SONT LES INGRÉDIENTS ?
D’abord créer un cadre de vérité sur les enjeux, les finalités de l’activité et de la période, mettre en place un pacte de confiance. Oser sortir de la langue de bois, de l’objectif idéal (qu’on n’atteindra bien sûr jamais) et prendre le temps de s’aligner sur un possible réalisable. Je veux dire faire un travail d’adhésion et d’engagement réciproque au sein des équipes. Ce temps fédérateur doit produire un effet de cohésion et de solidarité qui permettra à chacun de s’exprimer sur ce qu’il se sent capable de porter en fonction de son état de forme et de ses contraintes propres.

Le deuxième point est de renforcer les liens au sein de l’équipe. La perte de liens est ressortie clairement comme le premier déficit perçu du premier confinement. Il est donc clé de renforcer le climat de confiance relationnel qui permet ne pas se sentir seul mais soutenu, compris, encouragé, écouté. Il faut donc veiller à densifier les contacts individuels et collectifs mais surtout à y prévoir une place significative pour l’expression personnelle, les ressentis, les feedbacks ou tout simplement laisser un peu de vide pour faire la place à ce qui a besoin d’être exprimé.

Un autre ingrédient est de garder confiance en l’avenir. Ne pas tomber dans un positivisme artificiel mais regarder la situation et l’avenir comme des challenges à relever plutôt que comme des problèmes à résoudre. Savoir remarquer tous les jours les bonnes idées, les petites victoires, les initiatives qui font avancer et bien sûr les valoriser. Ces périodes troublées sont souvent des moments propices pour remettre en cause les habitudes, les organisations, lancer ou accélérer des projets, en un mot innover et croire à de nouveaux possibles.

Le dernier ingrédient est de décréter la confiance. Déléguer davantage, monter les niveaux d’autonomie au poste, alléger les contrôles, encourager l’autocontrôle, stimuler la créativité, donner le droit à l’erreur… évoluer d’un management par objectif vers un management par mission moins enfermant mais tout aussi efficace.

En conclusion, j’ai envie de dire, avec un brin d’humour, que le management par la confiance n’est pas un vaccin capable d’immuniser les entreprises en période de crise contre la dégradation des équipes et les comportements déviants. Il peut cependant réellement limiter les grosses inflammations et l’émergence de spirales négatives rapidement incontrôlables.

Gardons un esprit positif, cette crise Covid est en train de nous faire grandir, nous allons gagner dix ans dans la modernisation des cultures managériales.

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Claude Chrétien est l’un des trois coachs associés fondateurs du cabinet RESONANCE Coaching et auteur du livre Manager par la confiance – Mettre l’humain au cœur des transformations de l’entreprise (Pearson, 2020). Après avoir été manager commercial pendant 20 ans dans un grand groupe de cosmétique du luxe, il est certifié praticien LHEP sur le modèle Élément humain® en 2011 et accompagne des managers et dirigeants d’entreprises en coaching d’équipe, team building.

Il a participé à la création de plusieurs universités internes de grandes entreprises, apportant des pédagogies expérientielles novatrices sur les thèmes du leadership, du manager coach et de l’efficacité collective. Associé de la Société Française de Coaching, il a été administrateur de plusieurs associations de professionnels du coaching.