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  • Manager à l’ère du numérique et de l’IA

    Par Cécile Dejoux (Professeur des universités au Cnam et Professeur affiliée à l’ESCP Europe, co-fondatrice de la chaire d’entreprise Learning Lab Human Change) et Emmanuelle Léon (Professeur de management des ressources humaines à ESCP Europe).

    Les managers se trouvent confrontés aujourd’hui à une nouvelle civilisation, liée à l’avènement du numérique et de l’Intelligence artificielle (IA) : nouvelles règles, nouvelles valeurs, nouveaux langages, nouveaux acteurs, nouveaux lieux de pouvoir et de coopération… Pour réussir, il ne suffit plus de faire évoluer à la marge des méthodes de travail ou un style de leadership. Une métamorphose du manager s’impose dans sa façon d’être, de vivre de nouveaux lieux et de repenser les modes de coopération avec les autres.

    Acquérir de nouvelles compétences managériales

    Le manager devra toujours maîtriser ses fondamentaux (savoir décider, motiver, développer ses collaborateurs, exercer son leadership). Cependant, à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, ces compétences ne sont plus suffisantes pour naviguer dans un environnement qui évolue avec rapidité et incertitude : nouveaux business models, nouveaux concurrents, nouveaux usages… Le manager doit désormais intégrer de nouveaux codes qui lui permettront d’évoluer et de faire évoluer son équipe. Il s’agit des compétences numériques (adopter un nouvel alphabet), des compétences d’agilité (intégrer de nouveaux comportements au travail), des compétences de Design Thinking (penser différemment pour innover au quotidien), des compétences collaboratives (avoir les codes pour travailler en équipe en face à face ou à distance), les compétencesd’interaction avec l’Intelligence Artificielle (savoir interagir avec l’IA et acculturer les collaborateurs à l’IA). Muni de ces nouveaux savoir-faire, le manager opérationnel devient un manager augmenté qui possède la palette d’outils nécessaire pour réinventer son métier.

    S’approprier de nouveaux espaces

    Le développement du numérique et des réseaux facilite le fait de pouvoir travailler en tout temps et dans tous les lieux. Dans ce contexte, se pose de plus en plus la question de l’utilité des bureaux traditionnels. Longtemps considérés comme une source de coûts, les espaces de travail, lorsqu’ils sont pensés et conçus en fonction d’objectifs précis, peuvent être à la fois source de productivité et d’épanouissement. À l’heure où le télétravail a le vent en poupe, les espaces doivent démontrer leur valeur ajoutée, qu’il s’agisse de productivité ou d’innovation. Ne pas savoir ce que l’on attend de son espace de travail est le meilleur moyen de se retrouver avec des open spaces sans âme, générant chez le salarié une envie toujours plus forte de travailler « ailleurs ». La popularité du télétravail, des espaces de coworking, mais également les fablabs, est à appréhender notamment sous cet angle.

    Ils résonnent par rapport aux attentes de nouveaux travailleurs – freelances, startupers – mais sont de plus en plus prisés par les salariés qui trouvent dans ces lieux une communauté qui a parfois déserté leur entreprise.

    Réapprendre à travailler ensemble

    Le numérique impose le collaboratif mais travailler en équipe ne s’improvise pas, cela s’apprend. Comment travailler avec les autres de façon efficace et valorisante en synchrone ou asynchrone ? Comment intégrer les disruptions engendrées par le développement des plateformes numériques ? Ces questions sont d’autant plus cruciales qu’il va falloir s’adapter à l’arrivée des robots alliés à des intelligences artificielles. Travailler avec des robots nécessite une éducation et des réflexes à adopter pour ne pas tomber dans le piège du transfert d’émotion. Le manager va devoir gérer des équipes qui devront collaborer avec et à côté d’IA. Comment acculturer managers et collaborateurs à l’IA dans une logique de complémentarité ? Comment les accompagner dans la transformation de leur métier et de leur interaction avec les IA ? Comment équiper le manager pour qu’il performe avec l’IA et imagine de nouvelles tâches à forte valeur ajoutée ?

    Ainsi, la métamorphose du manager s’inscrit dans la parfaite appréhension de ces trois dimensions : L’être, les lieux et les autres. De cette métamorphose naîtra un manager augmenté qui imaginera en temps réel, une feuille de route adaptée aux nouveaux lieux de travail et aux nouveaux types de collaboration homme, équipe, machine.

    Pour aller plus loin :

    L’ouvrage de Cécile Dejoux et Emmanuelle Léon Métamorphose des managers à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle (Pearson 2018) s’appuie sur les témoignages d’une vingtaine de managers, acteurs de la transformation numérique, qui s’interrogent sur les changements à l’œuvre. Il a été construit pour offrir, sur la base de travaux de recherche internationaux, des grilles de lecture et des pistes d’analyse, afin que tout un chacun soit en capacité de construire les solutions les mieux adaptées à sa situation.

    En complément : Deux MOOCs gratuits sur Fun-Mooc « Du Manager agile au Leader designer » et « Manager augmenté par l’Intelligence Artificielle ? ». Inscriptions : https://www.ceciledejoux.com/

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  • La génération selfie veut être interrogée sur ce qui la motive et non sur son CV

    Cet article a été rédigé et publié initialement par le site La Revue du Digital.
    Par Sandrine Baslé

    Mieux vaut écouter ce que souhaitent les nouvelles générations que de les obliger à dérouler leur CV. C’est ce que préconise Yves Duron, psychologue du travail et psychosociologue [co-auteur des solutions MOTIVA éditées par Pearson TalentLens et du livre La motivation, une compétence qui se développe paru chez Pearson]. « Les candidats de la génération selfies n’aiment pas être mis dans une case car ils se considèrent uniques, avec une expérience et des compétences qui leur sont propres » résume-t-il. Tout l’enjeu sera de conserver cette écoute sur la durée.

    Bien définir le poste et les qualités requises

    Yves Duron a pris la parole à l’occasion de la Matinale RH organisée par MyRHline au collège des Bernardins à Paris, le 9 novembre. Chaque candidat a ses ressorts et, quand un recruteur simplifie, il passe à côté de ce que la personne pourrait accomplir au sein de l’entreprise.

    Au-delà, la question du recrutement n’est pas seulement de bien choisir mais d’attirer les bons candidats en amont et de les conserver motivés, une fois recrutés. En amont, pour attirer les candidats, il est nécessaire, de bien présenter les métiers et les valeurs de l’entreprise considère Olivier Nys, directeur d’activités chez Pearson TalentLens, acteur international de l’évaluation et de l’accompagnement des personnes. Le responsable est intervenu lors du même événement. Côté entreprise, il est alors essentiel de « de bien définir le poste et les qualités requises ».

    L’entreprise pourra alors annoncer qu’elle effectue des tests de personnalité des candidats à condition de leur expliquer que cela leur permettra de mieux se connaître et d’approfondir ce qui les motive. Lors de l’entretien, le premier critère de choix côté entreprise est le niveau de motivation du candidat. « Nous aidons les candidats à parler de ce qui les intéresse vraiment. Ils sont souvent soulagés de ne pas faire leur pitch » constate Yves Duron.

    Détecter les incompatibilités avec la culture de l’entreprise

    Cette approche est plus enrichissante pour les candidats et par rebond pour l’entreprise. En effet, la discussion sur les difficultés du candidat, ses choix de carrière et son intérêt pour le poste permet de se rendre compte de la richesse et de la diversité des profils et de détecter les incompatibilités avec la culture et les valeurs de l’entreprise, pointe Yves Duron.

    Dans ce cadre, les tests de personnalité sont intéressants pour le recruteur à condition que ce dernier soit bien formé, prévient le psychologue. Cela permettra de répondre aux questions du candidat qui tirera profit des enseignements et aura une meilleure opinion de l’entreprise.

    Par la suite, lorsqu’il s’agit de fidéliser les nouveaux recrutés, le maître mot est l’accompagnement. Exemple : la mutuelle d’assurances la Matmut n’arrivait pas à une époque à conserver ses alternants à la suite de leur période dans l’entreprise. Cela avait même des répercussions sur l’image de la Matmut auprès de l’entourage des alternants, parfois clients de la Matmut. La mutuelle a réagi et a mis en place un accompagnement pour comprendre ce qui déplaisait aux alternants. Ce programme a permis de guider très tôt certains candidats vers d’autres métiers de l’entreprise, qui correspondaient mieux à leur profil.

    Transmettre les informations au manager

    Enfin, une fois la personne recrutée, les éléments concernant la motivation du candidat recueillis au moment du recrutement, sont trop rarement transmis au manager. L’entreprise se prive ainsi d’informations essentielles pour le suivi du nouvel embauché, déplore Yves Duron. L’information se perd comme l’eau dans le sable.

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